Dans sa grande mansuétude, notre gouvernement adoré nous permet, à nouveau, depuis quelques jours, d’arpenter les plages de sable fin de notre Bretagne chérie.
Franchement c’est super sympa. Mais n’est-ce pas nous prendre pour des andouilles voire des triples buses ?
Les plages du Finistère nord comptent parmi les plus belles du monde, à n’en pas douter. De plus, elles jouissent d’un gros avantage, non négligeable, par rapport à leurs consœurs de la Côte d’Azur, par exemple, elles sont quasiment désertes dix mois par an. Certes, de septembre à juin, vous croiserez des promeneurs emmitouflés dans leur parka aux couleurs criardes et vous observerez deux ou trois kite-surfers frigorifiés tentant de dompter le vent et les vagues de la Manche, mais guère plus. En ces temps de distanciation sociale et de gestes barrières, les plages de Plouescat ou de Brignogan sont les endroits idéaux pour appliquer, sans sourciller, la prudence élémentaire. Trois-cents jours par an, au moins, les plages de mon pays sont balayées par une fort fraîche bise qui découragerait n’importe quel virus digne de ce nom de titiller les narines et les gorges des promeneurs isolés. C’est bien simple, les plages du Finistère-nord sont la définition même de la distanciation sociale. Si vous ouvrez votre dictionnaire à la page idoine, la définition de « distanciation sociale » sera illustrée par une vue panoramique de la plage de Porsmeur, au mois de mai, par un dimanche ensoleillé : deux-cents mètres de long sur cinquante de large (plus ou moins selon la marée), et une trentaine de pékins, à tout casser. De nombreux médecins affirment que le grand air est souverain contre la dépression, l’ennui voire contre certaines afflictions respiratoires. Je pense même que nos balades sur les plages devraient être remboursées par la sécurité sociale. Nos plages sont bonnes pour la santé, point.
Alors oui, je les entends les sudistes qui exigeraient la même chose chez eux au nom de l’égalité républicaine. Je leur rappellerais que je les entends moins lorsque, au mois de juillet ou au mois d’août, ils se bronzent la couenne sous un soleil éclatant par 35° à l’ombre, alors que le touriste ayant choisi la Bretagne comme lieu de vacances se jure, mais un peu tard, que plus jamais il ne reviendra dans ce pays où le thermomètre rechigne à passer la barre symbolique des 20°, ce pays qui, après le quinze août plonge dans un automne sombre et frisquet, ce pays dans lequel les nuits estivales sont si froides que les pulls et écharpes sont de sortie quand allongés sur des transats nous attendons avec impatience la première étoile filante dans le ciel du 8 au 9 août si celui-ci, par un hasard rarement observé, n’est pas obstrué par une cohorte de nuages, ce pays dont les eaux limpides ne dépassent jamais les 18°, et encore, les bonnes années.
Laissez tranquilles nos plages sur lesquelles jamais une serviette n’en côtoie une autre en dehors du cercle familial ou amical. Cessez ces interdictions dignes d’une dictature. Occupez vos gendarmes à des tâches plus intelligentes que de foutre une prune à ma voisine parce qu’elle a osé défier l’autorité en allant se baigner un soir de mai, elle qui se plonge dans la mer glacée, tous les jours, dix mois sur douze, sur recommandation médicale.
Vous nous fatiguez avec vos lois liberticides édictées en dépit du bon sens (et la fatigue est une donnée aggravante en période de pandémie).
Non, mais sérieusement.
Gifnem29