Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je donne un cours d’histoire.
Aujourd’hui, le printemps 1940, en France.
C’est une période assez calme, surtout au début. La météo est clémente, même un peu chaude pour la saison. La mode est au vert-de-gris et on note une nette recrudescence de la LV1 allemand. Le 1er mai tombe un mercredi, tout comme le 8, mais tout le monde se fiche de cette deuxième date, étrangement.
En juillet 1986, je réussis à éviter le service militaire. Pas P4, comme plusieurs copains, non, G5. G, c’est état général. G1 = Superman, G2 et G3 = bon pour le service, G4 = gros souci de santé, G5 = fauteuil roulant. Les médecins militaires possèdent un humour un peu particulier. Mais peu importe, je suis libre.
Je file rejoindre ma famille, en vacances dans la maison que j’occupe actuellement, pour lui annoncer la bonne nouvelle. Je tombe sur mon grand-père, tous les autres sont sur la plage. Il prend son goûter, seul. Tout à mon enthousiasme, je lui déclare que l’armée n’a pas voulu de son petit-fils. Comme dans les romans, son regard s’est assombri, ses traits se sont affaissés. Et il m’a dit ceci.
— « Très bien Môôt*, c’est ton choix, je suppose ».
D’une voix lasse, déçue.
Je n’ai pas compris sur le moment. Puis, tout au long de l’été, j’ai pris l’habitude de venir le voir, à l’heure de son goûter. Nous étions seuls, tous les deux, dans la fraîcheur de la maison. Petit à petit, il m’a expliqué sa réaction du premier jour. Il m’a dit qu’il avait 25 ans en 1939. Et tout le reste.
Mon grand-père était un homme assez petit et d’aspect chétif bien qu’il possédât des muscles saillants. Gamin, il avait contracté la polio, sans toutefois en garder des séquelles. Sauf que, lors de la mobilisation, le conseil de révision l’exempta de service actif. La honte absolue. D’autant que ses trois beaux-frères, bâtis comme des bœufs, furent incorporés sans discussion.
Même s’il se distingua dans quelques actes de résistance (que je vous ai brillamment conté dans un article précédent), mon grand-père ne digéra jamais cet affront administratif. Il ne m’a pas parlé directement de son humiliation, je ne peux que l’imaginer. En revanche, j’ai compris l’ombre dans son regard lorsque je lui avais annoncé mon exemption militaire. Il craignait que je vive la même chose que lui. Au fond, c’était de l’amour.
Tiens, petite remarque, au passage. En tant que G5, je croyais être mobilisable, en cas de conflit, dans un bureau quelconque, au ravitaillement ou que sais-je ? Cependant, je n’ai jamais reçu de documents de « démobilisation », malgré mes 55 printemps (mon géniteur l’a reçu l’année de ses 51 ans, je crois). Un éclairage de mon cher lectorat attentif ?
*Môôt : patois pohérois (Poher = région de Carhaix), équivalent approximatif de « chéri », « petit », « mignon » (tout le monde dit « mignon(ne) » a tout le monde là-bas, ex : Ca va mignon(ne) ?)
Non, mais sérieusement.
Gifnem29
Et que signifie P4?
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P = Psy ; P1 = Superman ; P2 et P3 = bon pour le service ; P4 = doux dingue ++ à réformer ; P5 = cinglé. Beaucoup de jeunes gars ont joué les asociaux pour être considérés P4. Bonne journée.
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D’accord 😊
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