Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.
« Il faut cultiver notre jardin », Voltaire. Un des rares écrivains antérieurs au 19è siècle qui mérite que les hommes de 2021 se penchent sur son cas.
Que voulait-il dire ? Copie double, marge à droite, vous avez trois heures. Et on n’écrit pas dans la marge.
Voltaire ne parlait pas de la terre, des vers et des tomates, et il avait bien tort. Il faisait allusion au jardin secret de chacun, à ce qui nous est propre et que nous devons développer pour notre bien et, éventuellement, pour le bien de l’humanité. Il partait du principe qu’en restant bien tranquillement assis sur un banc devant sa maison, l’individu peut être aussi utile, voire plus, qu’en voyageant au bout du monde pour faire chier des populations autochtones qu’il a décidé de façonner à son image et à ses croyances stupides. Et là, il avait raison. Le voyage est par essence une erreur. En tous cas à l’époque de Voltaire. Les voyages, que l’on n’appelait pas ainsi car les bagages ne contenaient pas d’appareils photos, mais des fusils et des bibles, n’étaient destinés qu’à l’expansion territoriale de nations engoncées dans leurs frontières étroites. Les tours opérateurs de l’époque ne prévoyaient pas de loger les touristes dans des hôtels de luxe parce qu’il n’y en avait pas, ils chassaient l’habitant de son lit encore tiède pour y installer l’homme sage venu expliquer aux femmes que l’exposition aux yeux de tous de leurs mamelles répugnantes était interdite par les lois d’un être imaginaire. Les excursions consistaient en des massacres organisés de la population, de la faune et de la flore. Même les rares explorateurs au cœur pur étaient responsables de milliers de morts car ils transportaient sur eux des microbes et des virus inconnus des contrées nouvelles. La légende veut que l’alcool soit aussi à l’origine de millions de macchabées, pourtant un des rares éléments qui réunit tous les peuples du monde, c’est bien la capacité à fabriquer ou cultiver des substances capables de vous retourner la tête et de vous donner mal aux cheveux. L’alcool européen, déjà industriel, ne s’accommodait pas des corps habitués à des boissons naturelles (?). Les voyages du 15è siècle et suivants, sont à l’origine de tous les malheurs du monde. Si chacun était resté chez soi bien peinard avec ses dieux et ses apéritifs, nous ne serions pas, encore aujourd’hui, d’ignobles bestioles tout juste bonnes à tout détruire pour le profit (paradoxe parmi tant d’autres), pour se vautrer dans un transat au bord d’une plage infestée de moustiques, bordant une mer si dangereuse que même les requins ne se baignent pas (emprunt à Patrick Timsit, « Koumak »), afin de pouvoir raconter aux pauvres cons qui gagnent moins que toi que les Seychelles c’est formidable, alors que tu as passé ton séjour à te plaindre de la chaleur, des touristes allemands, des cocktails tièdes et de la nourriture si épicée que ton trou de balle s’en souvient encore, sans parler de ces sales gosses couverts de parasites qui errent dans les rues à l’heure où ils devraient être à l’école, et de ces boutiques tenues par des voleurs qui essayent de te refiler des saloperies made in China. Ce connard aurait passé de bien meilleures vacances en louant sur la côte normande près de Trouville ou de Granville, il n’aurait pas eu trop chaud et aurait mangé d’excellents fruits de mer.
Aujourd’hui, il est de bon ton de critiquer le tourisme de masse qui pollue sans se soucier du bien-être des populations bien souvent exploitées par les trusts hôteliers. Mais c’est trop tard, tout le mal est fait. L’industrie du transport aérien draine trop d’emplois pour envisager d’y mettre fin, n’en déplaise aux écolos bon teint. Il ne reste plus qu’à attendre tranquillement la fin inéluctable de notre civilisation, même si le mot civilisation ne me convient pas. Stephen Hawking la situe vers 2600. Nous serons tous morts depuis belle lurette et notre égoïsme génétique nous pousse à hausser les épaules quand cette date fatidique fait irruption dans la conversation. Nos descendants nous maudiront.
Pour en revenir à Voltaire, je ne sais pas s’il était visionnaire, mais il avait raison. Et d’un point de vue philosophique, restons chez nous et évitons d’imposer notre façon de penser à qui que ce soit. Et même en le lisant au premier degré. Profitez de ce que vous avez et faites pousser des tomates. Sur votre balcon si nécessaire.
Je déteste voyager.
Non, mais sérieusement.
Gifnem29
Profitez de ce que vous avez et faites pousser des tomates… oui et….lisez !
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Moi j’aime voyager, mais là de toute façon je suis punie (les mesures helvétiques sont de pire en pire, surtout pour les ceusses qui ne veulent pas se laisser piquer), alors…!
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Entièrement d’accord. On dit : « Les voyages forment la jeunesse », donc passé un certain âge ça ne forme rien. Pourtant le tourisme de masse est sans doute en grande partie un marché de retraités…
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