Final cut

Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous l’écrire, brillamment, je suis un fataliste. Pour mémoire, le fatalisme est une belle connerie. C’est une philosophie de vie qui consiste à ne pas tellement se poser de questions puisque tout est écrit, à l’avance, dans le grand livre de la vie.

Je crois que je n’ai jamais rien écrit de plus ridicule que « le grand livre de la vie ». Pourtant, bizarrement, j’y crois. Plus ou moins, selon les moments.

Prenons un exemple. Nous tâcherons de le rendre dans l’état dans lequel nous l’empruntons. L’Ankou. La Mort, pour ceux qui n’ont pas la couleur ou un vieux tonton breton.

Quand ce n’est pas l’heure, ce n’est pas l’heure.

Je connais une jeune femme. Dingue non ? Oui bon, attendez la suite avant de vous extasier.

Elle était jeune active, à Paris, dans les années 90. Elle vivait dans un foyer de jeunes filles, bien comme il faut. Un soir, elle rentre, seule, au foyer, après une fiesta. Il se trouve que son domicile est assez éloigné du métro et dans un lieu, relativement, désert. Alors qu’elle aperçoit les murs du bâtiment, tout à coup elle entend une cavalcade derrière elle. Elle ne réfléchit pas. Elle se met à courir comme une dératée, sans se retourner, en hurlant. Elle me racontera, bien plus tard, que, comme un cliché romanesque, elle avait senti le souffle d’un homme sur son épaule. Alerté par ses cris, le concierge est sorti et s’est matérialisé devant elle, la prenant dans ses bras. Elle ne saura jamais qui était derrière elle. Quand elle osa se retourner, la rue était vide. A cette époque, dans les rues de la capitale, sévissait celui que les journaux avaient surnommé « Le tueur de l’est parisien ».

Cette même jeune femme se trouvait dans la rame suivante, le jour de l’attentat du métro Saint-Michel.

Comme quoi, l’Ankou ne voulait pas d’elle.

Ma propre génitrice, quatre-vingt-quatre ans aux prunes, était assise dans le Rio-Paris, quelques jours avant le crash dans l’Atlantique.

Et ma pomme, vous dites-vous, la bave aux lèvres, dans l’attente d’un croustillant épisode de ma vie trépidante.

Et bien oui, figurez-vous.

Voici une trentaine d’années, je fus invité à « goûter » d’anniversaire. Etant donné que je ne connaissais pas l’adresse, je demandai à un copain de me véhiculer, conscient, également, que le café risquait d’être légèrement aromatisé. Je m’installai à la « place du mort » car un couple mangeait de la salade de langues à l’arrière. Le goûter se passa bien. Sauf que, au moment de partir, un taré me sauta dessus pour me rectifier le portrait, pourtant parfait. Je n’ai jamais compris pourquoi ce type m’en voulait tant. Quoi qu’il en soit, un autre copain me tira de ses griffes et me poussa dans sa voiture. Je m’en sortais pas trop mal. Très bien en réalité. Mon chauffeur de l’aller, ayant abusé des spiritueux, rata un virage et finit sa course dans un champ. Le paysan y avait entreposé une herse qui perfora le côté droit du pare-brise, déchiquetant le siège.

L’Ankou m’a regardé dans les yeux, puis il s’en est allé.

Non, mais sérieusement.

Gifnem29

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5 commentaires sur “Final cut

  1. Je ne connaissais pas l’Ankou mais du coup ça doit être lui que j’ai croisé il y a quelques semaines… Il devait être en déplacement à Lyon mais n’a vraisemblablement pas eu envie de ramener un souvenir du coin. Y’a des jours comme ça.

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