Linguiste hic

Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.

Voilà quelques années, je travaillais au contact d’une population étrange dotée d’une langue bien à elle, les djeuns.

Chaque génération, dit-on, crée son propre langage. La mienne, de génération, doit être l’exception à la règle, car je n’ai pas souvenir d’user d’un lexique ou d’une syntaxe particuliers. Ma seule réminiscence, dans le contexte, s’applique à un camarade de chambrée, à l’internat, fils de docker brestois, qui avait adopté les injures de la corporation paternelle. Ainsi, il nous arrosait de (désolé pour vos yeux chastes), je cite, « demi-tranche de pâté de couilles » ou de « tête de lèche bite à crédit », un poète.

Fis-je partie de la génération « bof » ? Possible, mais je n’en garde aucune image.

En revanche, lors de mes dernières années de carrière, j’ai été confronté à une jeunesse linguistiquement imaginative.

Les années 2010 virent l’apparition du remplaçant de « trop », lui-même suppléant du plus classique « très ». La phrase, « C’est trop bien », fut remplacée par, « C’est v’là bien », dans la bouche métallique des adolescents boutonneux. Malgré des recherches actives, il me fut impossible de dénicher l’origine de ce « v’là ». Or, je déteste l’échec (mais j’aime assez les chèques quand on me les remet).

Donc, j’en appelle à vous, bande de boloss, pour éclairer ma lanterne, car ce « v’là » revient me hanter par les nuits sans lune lorsque, sous la couette, je cherche désespérément Susan, et un soupçon de sommeil.

Il est intéressant de noter que la génération 90, à une vache près, a réhabilité le verlan dans une version singulière qui ne concerne que les mots d’une syllabe, deux grands maximum : flic/keuf, femme/meuf, fête/teuf, shit/teuch. Un mot est unique. Il est issu d’un double verlan (comme si on avait eu : flic/keuf/feuk) . Le trouverez-vous ? Allez, faites-moi rêver.

Non, mais sérieusement.

Gifnem29

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