Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, il m’arrive.
Il m’arrive de me souvenir de mon ancienne vie. Non pas par nostalgie, je l’ai quittée, et c’est très bien, mais parce que j’y ai fait des rencontres qui m’ont marqué (je suis devenu misanthrope après).
Un petit objet aperçu chez ma cousine m’a rappelé Fiona.
Fiona est une jeune fille de 14 ans qui débarque, un beau jour, dans une classe de cinquième dans laquelle j’officie. Elle a une année de retard et démontre assez vite que l’école n’est pas sa priorité. Au bout d’un mois, l’intégralité de l’équipe éducative se plaint d’elle. L’intégralité sauf moi.
Souvent, pas à chaque fois toutefois, j’éprouve de la sympathie pour les rebelles. Les filles, pas les garçons. Les filles sont des chipies, parfois méchantes, mais elles sont beaucoup plus cash que les gars. Fiona casse les pieds de tout le monde. Bavarde, insolente, fainéante, la brochette complète. Chez moi, elle se tient à carreau. Elle ne fiche pas grand chose, mais elle est sympathique, souriante (avec des jours sans, cependant, comme tout le monde). Franchement, je l’aime beaucoup. Peu à peu, sa situation au collège se dégrade, et, pour lui éviter un renvoi, je décide de lui parler. Elle m’écoute mais ne s’épanche pas. Alors je creuse. Ce qui n’est pas simple car l’éducation nationale est tout autant la « grande muette » que l’armée. Je parviens à comprendre que sa vie familiale est compliquée, sans connaitre les détails. En gardant un lien avec elle, je sens que les choses s’améliorent. Je la retrouve l’année suivante en quatrième.
Elle n’a pas changé. Toujours aussi rebelle et peu encline à suivre des directives scolaires. Il n’empêche que, bon an mal an, les choses ne se passent pas si mal, sauf si l’on regarde ses résultats catastrophiques. Mais peu importe, Fiona n’a pas le profil d’une Bac+5.
Au retour des vacances de printemps, la jeune fille demande à me parler à la fin d’un cours. Je suis surpris car elle n’a pas du tout l’habitude de se confier aux adultes. En général, dès la sonnerie, elle file comme le vent. Elle m’apprend qu’elle a séjourné à Paris pendant quelques jours et m’offre une petite Tour Eiffel en porte-clés (l’objet similaire aperçu chez ma cousine). Je suis extrêmement touché par ce geste, d’autant que je ne suis guère un « prof à cadeaux » (sans doute car je n’accepte que le liquide).
J’ai longtemps conservé la babiole, puis, un jour, elle s’est cassée et je l’ai perdue.
Voici deux ans, je reçois un message sur FB. C’est Fiona qui me demande si c’est bien moi, et si, le cas échéant, je me souviens d’une petite blonde qui emmerdait tous les profs. Oh que oui, je m’en souviens ! S’ensuit un échange fort sympathique au cours duquel elle me promet de lire mon bouquin, elle qui n’a sans doute pas lu autre chose que l’arrière du paquet de corn-flakes, dans sa vie. Ceci dit avec beaucoup de tendresse (si tu tombes sur ces lignes, Fiona).
Ce qui m’a fait vraiment plaisir, c’est que Fiona est devenue une jeune femme épanouie. Elle est mariée et exerce en tant qu’auxiliaire de vie. Son rêve est de travailler au contact des chiens. Si je gagne au loto, je lui donnerai un coup de main.
Non, mais sérieusement.
© Gifnem29
Très émouvant et authentique, j ai beaucoup aimé l histoire de Fiona.
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Merci.
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Je crois que Brassens a dit un jour que nous sommes toutes et tous faits du morceau des uns et du bout des unes (quelque chose comme ça). Fiona a sans doute un peu de votre humanité.
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Je crois qu’elle en a bien plus que moi.
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Pas si mauvais que vous voulez vous en donner l’air parfois , beau texte !
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Merci.
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Très beau et émouvant
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Merci à vous, bonne journée.
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C’est beau !
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Hé, allez… sortez vos mouchoirs et en avant les mandolines ! Il est fort, ce Jourd’hu ! Ouais, balèze, le type…
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Les mandolines ? Je préfère le banjo.
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Joué par un albinos comme dans « Délivrance » ? Dis, s’il-te-plaît, demain, tu nous raconteras comment tu as du vendre toutes tes dents pour acheter un peu de mou à ton chat tout maigre ? (J’ai une boite de kleenex d’avance). Ernest (troll de service).
PS : Ceci dit avec beaucoup de tendresse.
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Je vais voir ce que je peux faire.
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J’espère que c’est authentique ! On a envie que ce prof et cette jeune fille existent… Alors tout serait encore possible.
Les bons écrivains sont tellement retors qu’ils inventent pour récolter des millions de vues !!!
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Même lorsque j’invente, je ne fais guère plus d’une centaine de vues, et là, c’est authentique.
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Quand un ours rencontre une oursonne, en voilà une jolie histoire.
Au passage, juste par curiosité et parce que cela m’a fait sourire : comment définissez-vous un « profil Bac+5 » ?
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Je n’ai pas le Bac et… je ne suis même pas Français comme le disait Coluche. Puis-je tout de même jouer avec vous pour la question du Bac+5?
Prenons le regretté Paul Bocuse. Il disait avoir eu 2 Bacs… un avec de l’eau froide pour laver la salade et l’autre avec de l’eau chaude pour faire la vaisselle!
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Bien sûr que vous pouvez. Sacré Paul !
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Rho lala, ce que vous êtes tatillon, c’est une façon de parler.
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Tatillons ? Nous ? C’est le camembert qui dit au roquefort qu’il pue !
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Pfff, ça sent très bon le fromage.
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Petit, blond, avec des lunettes, introverti, parents sur le dos… Non, c’était une boutade.
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J’espère bien ! Bon, en revanche, je coche la case « lunettes ».
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Elle aurait bien pu s’appeler Adéline dans mon livre à moi mais celui-ci est bien le vôtre. Chanceux.
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