Tatoo faux

Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.

(et je doute de ma mémoire car il n’est pas impossible que je vous ai déjà entretenu du sujet du jour ; mais peu importe ; ce sujet revêt une telle importance, dans la société actuelle, qu’une piqure de rappel est loin d’être inutile)

Cinq jours par semaine, je me rends dans une officine qui vend, en toute légalité, de la mort en tubes. Il se trouve que, dans ce bureau de tabac, le personnel est exclusivement féminin. Et, qui plus outre, tatoué.

J’ai été jeune et con. Pendant une période, j’allais régulièrement faire la fête à Paris. Un copain et moi voulions, à tout prix, nous faire tatouer. Il désirait un personnage de dessin animé, et moi j’avais jeté mon dévolu sur un idéogramme chinois. Les hasards de l’existence firent que nous ne trouvâmes jamais un tatoueur ouvert après vingt-deux heures, c’est à dire après l’apéritif. Ni l’un, ni l’autre n’est jamais passé entre les mains d’un tatoueur.

Et lorsque je vois l’art épidermique sur le corps des quatre jeunes femmes qui travaillent dans le bar-tabac que je fréquente, je m’en félicite.

Je ne sais pas où elles se sont fait tatouer, mais une chose dont je suis à peu près certain, c’est qu’elles ont choisi le même artiste.

Primo, le mec (ou la dame, pas de sexisme) ne sait pas dessiner. Ce qui est un minimum lorsque l’on s’installe en tant que tatoueur, il me semble. De plus, ces dames apprécient les motifs géométriques, ce qui, à la limite, ne nécessite pas d’avoir le talent de Dali. Il suffit de se servir d’une équerre et d’un rapporteur et hop, le tour est joué. Ben non. Non seulement l’artiste est nul en dessin, mais il a eu 3/20 en maths au Bac.

Deuxio, le gars (ou la meuf, pas de sexisme) se fournit en Chine. Alors, dans un premier temps, on se dit, ben oui, la Chine, c’est pas con pour de l’encre. Sauf qu’il ne faut pas lésiner sur la qualité. Mes charmantes vendeuses de mort arborent des tatouages monochromes. Je dirais, couleur ardoise. Vous savez, cette teinte courante sur les bras des vieux loups de mer qui se sont fait tatouer, dans leur jeunesse, à Macao, sur l’avant-bras, une ancre marine et une pin-up aux formes généreuses, avec un mélange de guano et de rhum agricole qui présente le désavantage de ne pas supporter l’usure du temps.

Tertio, les quatre charmantes jeunes femmes ont fait inscrire dans leur chair, les prénoms de leurs enfants ! Craignent-elles un Alzheimer précoce ? Vraiment, ça me dépasse.

Bon, je vous ai menti. Si je n’aime pas les tatouages, c’est parce que, justement, je suis tatoué. Mais à l’insu de mon plein gré. Si si, c’est possible. En plus, j’en ai quatre, strictement semblables. A vous de résoudre cette énigme…

Non, mais sérieusement.

© Gifnem29 – juin 2022

Publicité