Mélomanie

Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me raconte.

Pour la plupart des gens que je connais, le fait de raconter les concerts auxquels ils ont assisté dans leur vie suffirait à constituer un blog complet. Me concernant, mon amour conditionnel de la musique ne m’a mené que six fois dans une salle de spectacle pour écouter des messieurs chanter dans des microphones (pas de femmes, bizarre…).

La première fois, j’avais quatorze ans. La cambrousse bretonne était encore baba-cool, les punks n’ayant jamais franchi la frontière. Graeme Allwright se produisait dans un champ peuplé, essentiellement de vaches, qui, pour l’occasion, avait déménagé pour laisser la place aux paysans du coin. Je ne sais plus comment j’ai atterri là. En revanche, je me souviens parfaitement de la prestation de l’artiste néo-zélandais. Il est arrivé sur scène, ivre mort, avec deux heures de retard, s’est étalé par terre au milieu de la première chanson, a continué quelques minutes à émettre des borborygmes, puis la sécurité, autrement dit le propriétaire des lieux et ses fils, l’ont expulsé manu militari, sans lui remettre son chèque, selon la légende.

La deuxième fois, j’étais en terminale. En prison. Par miracle, les autorités avaient permis aux pensionnaires de se rendre au concert de Renaud à Brest, un soir de semaine. Inouï. Deux ou trois enseignants nous encadraient, dont notre prof de philo. Jean-Alain Chépucoman. Que nous appelions Jeanlain car il picolait. On trouvait des tâches de bière sur nos copies. Il n’avait jamais entendu parler de Renaud. Pour lui la musique c’était Schopenhauer en intraveineuse. A l’époque, la salle Penfeld à Brest était connue pour son acoustique déplorable. On n’entendait rien. Peu nous importait, nous connaissions toutes les chansons par cœur.

En 1986, à Brest, de nouveau, j’assiste à un concert de Stéphane Eicher. Mais pas trop car il est quasiment inconnu. Quelques semaines plus tard, « Two people in a room » deviendra un méga-tube. L’artiste est seul sur scène avec sa guitare et un ordinateur. C’est magique. Il nous joue l’intégralité de son 2è album, qui fera un carton, plus des chansons du premier, notamment une qui m’a marqué, « Les filles du Limmatquai » (à écouter d’urgence si vous aimez monsieur Eicher).

L’année suivante, j’avais viré corbeau et je dansais en gardant les jambes serrées. Simple Minds passait par Brest, mais surtout, en première partie, les Waterboys (avec, pour mémoire, la plus belle chanson du monde « And a bang on the ear »). Début du concert, 20H30. Nous débarquons à 20H. Les Waterboys chantent leur dernière chanson. Après avoir étranglé l’organisateur, j’ai assisté au concert de Simple Minds en me trouvant à trois kilomètres de la scène. Des Playmobils qui chantent « Alive and kicking ».

Beaucoup, beaucoup plus tard, au début des allées deux mille, avec deux ex-copains, je me rends à Rosporden (prenez une carte du Finistère Sud) pour assister à un récital de Serge Reggiani. Mamma mia ! Quel délice ! Pourtant, c’était assez particulier. Serge vivait ses derniers mois, et, pour tout dire, il n’était pas très frais. Malgré tout sa voix était parfaite et, s’il peinait à rejoindre son micro, son pianiste, lui, était littéralement porté jusqu’à son instrument (Maurice Vander, pour les puristes, qui malgré son état de mort-vivant, tiendra encore presque quinze ans).

Oui, bravo, vous savez compter, il en manque un. C’était Matmatah, au début des années 90, dans un petit bistrot. C’était des gamins, doués, mais qui n’imaginaient pas ce qui les attendait. Déjà « Lambé an dro » avait fait un carton.

Voilà toutes mes aventures mélomaniaques de groupe. Aujourd’hui, je ne sais pas pour qui je pourrais me déplacer. Personne en réalité. Peut-être les Rolling Stones s’ils venaient jouer dans mon jardin. Et encore, pas sûr.

Non, mais sérieusement.

© Gifnem29 – octobre 2022

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