Plaisirs du palais

Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.

L’état de diabétique est une malédiction.

J’ai été diagnostiqué diabétique en mars 2017, deux ans après une pancréatite. Dans mon malheur, j’ai eu de la chance, diabète de type 2. Autrement dit, je ne suis pas insulino-dépendant (diabète de type 1), mais, pendant tout le reste de ma vie, je dois avaler trois cachets le matin et un le soir. Un moindre mal, donc.

Sauf.

Parce qu’il y a toujours un sauf.

Sauf que je dois réduire de manière drastique ma consommation de sucre. Finis les éclairs au chocolat, les oursons en guimauve, les choux à la crème, les carambars, les tartes au citron, les ganaches, les forêts noires, bref, tout ce qui est bon. Mais ce n’est pas tout. Le sucre se cache presque partout. Dans le riz, les pâtes, même dans les pommes de terre, et notamment dans les frites. Tout dépend de la cuisson.

Les repas s’en ressentent. La tristesse de l’assiette à la nuit tombante plongerait n’importe quel clown dans une neurasthénie incurable.

Aussi, il ne faut pas bouder les petits plaisirs.

Heureusement, sur notre chère planète, il existe une période bénie, comprise entre le 15 septembre et le 15 octobre, à une vache près, appelée la saison des noix.

J’adore les noix. Je vous parle des noix fraiches. Celles qui luisent de l’huile qui exsudent de la coquille (plus ou moins hein, je ne suis pas nuciculteur non plus), celles qui vous laissent sur les doigts du brou qui, dans le meilleur des cas, mettra une semaine à disparaitre. Celles dont la fine peau brune glisse aisément (plus ou moins en réalité) le long de la chair blanche pour offrir le spectacle de la nudité appétissante du cœur du fruit. Celles qui, selon leur origine, développent un parfum plus amer ou plus sucré (si, j’ai droit aux noix, pas plus d’une dizaine par jour).

Casser une noix est tout un art. Il faut se munir de l’engin adéquat. L’idéal est un petit marteau avec lequel vous tapotez la noix afin que celle-ci s’ouvre en deux, non pas à la jointure naturelle, mais au milieu du ventre rond. Ainsi, vous obtenez deux hémisphères parfaits qui se détachent sans effort, permettant à vos doigts avides de se saisir des délicieux cerneaux. Hélas, je ne dispose pas de ce marteau, grand bienfait de l’humanité inventive, donc je me sers d’un vulgaire casse-noix, qui, comme son nom ne l’indique pas, est nettement plus efficace pour rompre les pattes des crabes. En effet, le casse-noix présente l’inconvénient, pour son utilisateur, de mal maîtriser la force nécessaire, et partant, d’écraser la délicate chair odorante.

Un jour, je planterai un noyer dans mon jardin. Sachant qu’il faut une vingtaine d’années avant d’obtenir des fruits, je ne dois pas trop tarder.

Sachiez-vous que le noyer est un arbre exclusif ? Il ne supporte pas la compagnie et tend à détruire tout ce qui pousse à ses côtés. De rien.

Non, mais sérieusement.

© Gifnem29 – octobre 2022

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