Lune de miel

Basile a tout préparé. Comme à chaque fois. Il ne peut pas se permettre d’oublier quoi que ce soit. Après ce sera trop tard.

Du haut de ses seize ans, il a l’habitude.

Tout d’abord, trouver un lieu sécurisé. Hors de question de se faire surprendre. Dans ces conditions, ils sont assez vulnérables, Gisèle et lui.

Ensuite, penser à la bouffe. C’est secondaire, mais il faut prévoir le pire.

Son instinct lui souffle que cette année sera différente. Il a fait plus chaud. L’eau est plus difficile à dénicher.

En plus, il trimballe toujours cette balle fichée dans son cul. Il a réussi à cacher son handicap à Gisèle mais le morceau de plomb lui fait un mal de chien bien que la plaie ait correctement cicatrisé. Au moins, il s’en est mieux sorti que l’abruti qui lui a tiré dessus. Ce dernier dine avec les anges. Enfin, ce qu’il en reste.

Basile se frotte les pattes. Tout est parfait. Il pénètre dans la grotte pour embrasser Gisèle une dernière fois avant le grand plongeon, mais son épouse dort déjà. Il la regarde avec tendresse. Toute la saison, elle n’a pas ménagé sa peine pour engraisser son gros nounours et elle-même. Un peu plus elle-même, car au printemps la famille s’agrandira. Elle en a bavé pour remplir le garde-manger. Le miel se fait rare et les baies ne nourrissent pas son ours. D’un commun accord, ils ont décidé de laisser tranquille les animaux de la forêt. C’est suffisamment compliqué de survivre, alors inutile de s’entredévorer, même lorsque l’on se trouve tout en haut de la chaîne alimentaire. Sauf les chasseurs bien entendu.

Après tout, les chasseurs cherchent à les tuer, donc, Basile et ses congénères ne font que se défendre. Si la viande humaine est savoureuse, c’est un plus. Et il ne faut pas gâcher. S’ils ne veulent pas finir dans l’estomac d’un ours, ils n’ont qu’à rester chez eux.

Basile vérifie une dernière fois que les branchages entassés devant la grotte dissimulent correctement l’accès. Il est satisfait. Leur cocon est indétectable. En principe.

Basile s’installe confortablement auprès de Gisèle qui ronfle déjà. En catimini, il avale deux kilos de miel qui lui tapissent les boyaux et lui promettent de beaux rêves pour les six mois à venir.

Non, mais sérieusement.

© Gifnem29 – octobre 2022

19 commentaires sur “Lune de miel

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