De l’art ou du cochon

Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.

Des activistes écologiques veulent faire entendre leurs voix. Très bien, je suis pour.

Comme leurs voix ne portent pas très loin, lors de la dernière réunion des activistes écologiques, ils ont décidé que leur nom devait être pris au pied de la lettre. Autrement dit, il faut agir.

Jean-Claude a proposé d’aller dans les forêts et de s’enchainer aux arbres pour qu’ils ne soient pas abattus. Eulalie a refusé parce qu’elle a peur des renards. Jean-René a ajouté qu’il suffit de s’attacher aux arbres des villes dont les municipalités se débarrassent. Eulalie a refusé parce qu’elle a peur des rats.

Soudain, Jean-Eusèbe s’est exclamé. Et si on balançait de la nourriture sur les œuvres d’art ! Toutes les têtes se sont tournées vers lui. Enfin, une idée révolutionnaire ! Eulalie a dit qu’elle voulait bien aller faire les courses car elle aurait des réductions avec sa carte de fidélité.

Le lendemain, une nouvelle réunion devait décider quelles toiles recevraient les projections alimentaires. Jean-Hervé, toujours fin et futé, soumit l’idée de balancer de la soupe à la tomate sur la toile de Warhol. Inès estima que de la soupe sur de la soupe ne se verrait pas suffisamment, et, de fait, ne servirait pas leur cause. Tout le monde applaudit et Marie-Rose offrit une tournée de jus de quinoa.

J’aimerais comprendre. Bien sûr qu’il faut se battre contre l’inéluctable destruction de notre environnement, et je dis cela pour vos enfants car, me concernant, je mourrai d’autre chose. Mais est-il nécessaire de massacrer des œuvres qui n’ont rien demander à personne ? Mon assistant me dit dans l’oreillette que ces tableaux étaient tous les deux protégés par une vitre blindée. Ah bon… Les images ne donnaient pas cette impression.

Je me pose une autre question, existentielle. Est-il bien raisonnable de gâcher de la nourriture en ces temps incertains ?

D’autres activistes écologiques, de la section « nature et grosses bagnoles qui polluent » se sont introduits dans une concession Porsche et se sont collés au sol avec de la super glue. Le propriétaire, stoïque a quitté les lieux après avoir éteint la lumière et le chauffage. 42 heures ! Ils sont restés 42 heures collés au sol, sans manger ni boire, sans possibilité d’aller aux gogues, bref l’enfer. L’un d’entre eux est à l’hôpital et risque de perdre sa main. Tant qu’à faire, il aurait dû la manger.

Pierre Soulages est mort. A noter qu’il détériorait lui-même ses tableaux. En effet, dans un premier temps, il peignait de magnifiques paysages champêtres avec des moutons et des ornithorynques, puis, mécontent de son travail, il recouvrait la totalité de la toile avec de la peinture noire industrielle.

Non, mais sérieusement.

© Gifnem29 – octobre 2022

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