Explication colorée

« — Papa ?

— Je travaille Ignace.

— Ben non, tu regardes le foot à la télé.

— Oui, ben pour moi c’est comme un boulot. Tu ne peux pas comprendre.

— Justement… Tu avais dit que tu boycotterais la coupe du monde pour protester contre les lois liberticides au Qatar et pour montrer ta solidarité envers les pauvres gens morts sur les chantiers des stades, et qu’en plus, tu n’avais pas les sous pour t’abonner à BeIN sports.

— Ah bon, j’ai dit ça moi ? Pour le pognon je me suis arrangé en revendant ton vélo et en décommandant le père Noël. Tu y vois un inconvénient ? T’es sûr pour le boycott ?

— Oui papa.

— Si tu le dis. Tu es bourré de défauts mais je reconnais que tu as une bonne mémoire… Tiens, pour te faire plaisir, je vais porter ce brassard. C’est bien avec des brassards que certains footballeurs manifestent, non ?

— Oui papa, mais ce que tu as autour du biceps, c’est le collier de Rex.

— Tu chipotes là ! Tu ne veux pas que je mette un morceau de tissu arc-en-ciel sur mon bras quand même…

— Et pourquoi pas ?

— Ben je ne suis pas un… Heu une… Enfin merde ! Tu comprends non ?

— Non papa, explique-moi s’il te plait. A quoi ça sert le brassard multicolore ?

— Qu’est-ce que j’en sais moi ? Pour faire joli.

— Bon, pour une fois tu vas m’écouter père indigne. Reste assis et ouvre bien tes oreilles !

— Mais… Mais…

— Tais-toi ! Le drapeau arc-en-ciel a été créé en 1978 à San Francisco. Il représente la communauté LGBTQ+ qui elle-même représente la diversité de genres. Or, au Qatar, l’homosexualité est illégale, tout comme toute velléité identitaire qui sortirait d’un classicisme bon teint. Le port du brassard arc-en-ciel n’est qu’une manifestation pacifique d’un désaccord profond avec la politique dictatorial d’un état qu’il ne faut pas contredire car sa puissance financière permet à d’autres états de surnager et à monsieur Mbappé de manger des diamants au petit déjeuner.

— Purée ! On t’apprend ça à l’école ?

— Entre autres.

— Et toi, tu es dans quelle catégorie ?

— J’ai cinq ans papa.

— Ah bon ! Peu importe après tout ! Il est minuit passé, va te coucher, si tu as fini de nettoyer la piscine.

— Mais on n’a pas de piscine papa…

— J’ai pas dit « notre piscine », je parlais de la piscine municipale. Allez, dépêche-toi et tu réussiras à dormir vingt minutes avant d’aller à l’école.

— On est samedi papa.

— Je ne vois pas le rapport, fils d’abruti ! »

Non, mais sérieusement.

© Gifnem29 – novembre 2022

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