Plongeoir

Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.

Cet après-midi, j’ai craqué. Je m’étais pourtant promis de tenir une année entière. J’y étais presque. J’ai lâché l’affaire au 359è jour. Je suis un misérable.

J’avais trouvé des pis-aller pour combattre cette addiction qui me ronge. Cette folie dévastatrice dont je ne parvenais pas à me débarrasser. Ce poison qui s’en prenait à ma raison.

Les médecins m’avaient prévenu. Une seule fois et je suis fichu. Je ne les ai pas écoutés car, me disais-je, mon porte-monnaie ne suivrait pas. Malheureusement, la drogue se fiche bien de votre compte en banque.

Je n’ai pas pris de rendez-vous avec mon dealer. Je me suis dit qu’un lundi, avec un peu de (mal)chance, il serait fermé. J’ai même poussé la perversité jusqu’à ne pas me rendre dans un lieu de ma connaissance. Loin de chez moi. Las, rien n’y fit.

Sur place, je me suis battu. Trop tard. Tout me tentait. Mon corps me hurlait de tout essayer. Mon sang menaçait de coaguler de désir. Mon cerveau se mit en mode avion.

Et je plongeais.

Je parvins de justesse à m’en tenir aux produits les moins onéreux. Cinq, tout de même. Quatre valeurs sûres qui m’emmèneront vers des paradis naturels et une découverte dont je ne connais pas, à l’avance, les effets, sur mon cortex avide.

Au moment de régler mes emplettes de toxicomane, j’eus un dernier sursaut de fierté. Je demandais à la marchande de petite mort agréable si elle acceptait ma carte de fidélité bien que celle-ci me fut délivrée par une de ses concurrentes les plus féroces. Elle accepta du bout des lèvres en jetant des regards inquiets autour d’elle, et j’obtins 5% de réduction grâce à ma consommation excessive.

Puis, je suis sorti de chez « Dialogues ».

Non, mais sérieusement.

© Gifnem29 – décembre 2022

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