Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.
Cet après-midi, je suis allé manifester. En effet, j’aime beaucoup les sandwiches aux merguez.
Nous n’étions pas très nombreux. En fait, nous étions un.
Le cortège était autorisé entre les halles et la poste, en restant sur le trottoir, et sans banderoles ni slogans hurlés.
Ben oui, c’est la province ici. La petite province. On n’a jamais vu une manifestation dans une ville de moins de 10 000 habitants. Sauf le 12 juillet 1998 vers 23 heures.
Du coup (salut Justin !), j’ai, un peu, attiré l’attention.
Les commerçants me regardaient d’un drôle d’air. Pourtant, je manifestais davantage pour eux que pour moi. Prenez monsieur Galop, le boucher chevalin, il va fêter ses 75 prix d’Amérique en juin prochain. Et madame Bobine la mercière qui essaye de vendre son fond de commerce depuis le front populaire. Sans oublier monsieur Lavis, le quincailler, le dernier du département à vendre des clous au détail, qui a 374 loyers de retard. Oui, dames et sieurs, c’est pour eux que j’ai bravé le froid et la pluie. Pour leur avenir et celui de leurs semblables.
A un moment, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai éternué. La boulette. Aussitôt, sortis de l’ombre du porche de l’église, trois shérifs (ou policiers municipaux, si vous préférez) m’ont sauté dessus, aspergé de gaz poivré, roué de coups et embarqué sous les vivats des rares passants. Ils m’ont conduit au tribunal où j’ai été jugé en comparution immédiate pour trouble à l’ordre public. Monsieur galop était là. Il a témoigné que j’avais henni dans mon masque en passant devant sa boutique. Madame Bobine a refusé de se présenter physiquement car elle redoutait les représailles. Elle affirmait, dans une note manuscrite que je ne lui ai jamais acheté le moindre bouton. J’ai confirmé sous les huées du public. Quant à monsieur Lavis, il m’a accusé de lui avoir volé un clou en octobre 1965. J’ai nié, arguant que je n’étais pas né alors. Le juge n’en a pas tenu compte. Ni de la prescription d’ailleurs.
J’ai été condamné à deux heures de pilori sur la place principale. Les gens qui passaient devant moi étaient obligés de m’injurier et de me jeter des poireaux, des carottes et des navets à la figure. A la fin de mon supplice, le bourreau m’a détaché et m’a enjoint de rentrer chez moi. J’ai ramassé les légumes pour faire une soupe.
On ne m’y reprendra plus à m’engager dans des manifestations altruistes.
Non, mais sérieusement.
© Gifnem29 – janvier 2023
Mais quelle imagination ! j’admire ! le pilori, rien que ça, et à coup de poireaux, l’horreur. Heureusement que vous avez pu faire une soupe, l’honneur est sauf
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Que croyez-vous ? Vous vous répandez trop à propos de la CAL, vous faites des jaloux et les gentilés ont peur.
Cela me donne une idée, je vais appeler SOS Villages pour que de nouvelles têtes jeunes pleines d’idées et d’entrain viennent apporter une nouvelle force commerciale chez vous.
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