Blues artistique


Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.

Je me demande pourquoi le talent est si mal distribué en ce bas monde. Comme dirait l’autre, j’aurais voulu être un artiiiiiiiiiiiiiiiiiiiste. Problème, les gènes de l’art ne m’ont pas été transmis par mes géniteurs. Qui eux-mêmes n’avaient rien se rapprochant de près ou de loin de l’art. Ni mes sœurs. Ni mes grands-parents à ma connaissance. Ni mes tantes, ni mes oncles. Personne. J’appartiens à une famille sans artiste. Même chez les pièces rapportées, je ne vois pas qui pourrait prétendre à ce titre. C’est d’une tristesse.

Comme vous êtes des gens sensés, vous me direz qu’il faut de tout pour faire un monde, et que si chaque humain était artiste, on ne saurait plus ou accrocher les tableaux. C’est pas faux, comme dirait un de mes artistes favoris, mais je vous rétorquerais que l’art se décline dans de multiples disciplines. Et je n’y croirais pas vraiment. L’art se résume à quelques catégories nobles : la peinture, la sculpture, la musique, la danse, l’architecture, peut-être la cuisine. En tous cas pas l’informatique, le jardinage ou le macramé. J’oserais dire, quitte à perdre, la moitié de mes lecteurs, que l’art moderne n’est pas de l’art non plus, mais du commerce. Dans quelques siècles, il est possible que Koons soit considéré comme un artiste, mais aujourd’hui, les gens réfléchis le comparent davantage à un marchand de tapis. Je présume d’ailleurs que Léonard De Vinci, en son temps, n’imaginait pas passer à la postérité, mais cherchait à gagner correctement sa vie en peignant des filles tartignolles pour des pères richissimes. Un jour, je me suis promené dans les allées d’une exposition d’art moderne. J’avais l’impression de me trouver dans un salon commercial bien plus que dans un musée. Les « artistes » n’exposaient pas, ils vendaient. L’une des « oeuvres » phare de l’exposition consistait en une pyramide de rouleaux de papier hygiénique que « l’artiste » avait affublé d’un nom ridicule du genre « l’Amazonie est dans la merde ». Elle coûtait 30 000 euros. J’ai sorti mon carnet de chèques, de crainte qu’on me le vole. J’aurais voulu savoir comment devenir artiste moderne car je conservais depuis toujours mes briquets jetables vides. J’envisageais d’en faire une sculpture en les agglomérant et d’appeler cela « Mon cancer ». Mais l’artiste au pq ne parlait pas à la plèbe, il fallait s’adresser à son manager qui n’était autre que son beau-frère, charcutier-traiteur dans le civil. J’ai laissé tomber.

J’admire vraiment les gens qui savent dessiner. Je trouve cette capacité merveilleuse. Me concernant, je suis tellement nul que mes profs de dessin croyaient que je me foutais de leur gueule. J’admire aussi les musiciens. Je n’aime pas la musique mais je trouve admirable de parvenir à sortir une mélodie d’un morceau de bois percé de quelques trous. Les sculpteurs sur bois me fascinent à tel point que je suis capable de les regarder pendant des heures sur internet (mais je n’ai pas de vie). J’ai essayé de sculpter. Naïvement, je pensais que la sculpture était l’art le plus accessible. Les résultats sont plus que discutables. C’est vraiment injuste.

Je crois, au fond, que j’aurais voulu créer de la beauté dans la laideur de ce monde. Même s’il n’existe rien de plus subjectif que la beauté, et heureusement, j’aurais voulu que quelqu’un, un jour, me dise : »C’est vous qui avez fait ça ? C’est vraiment très beau. Merci ». Je suis très difficile à émouvoir, mais j’apprécie les artistes qui, modestement, sans le crier sur tous les toits, savent toucher le cœur des êtres humains. En revanche, je déteste discuter de mes goûts, c’est pourquoi, je ne cite pas les artistes qui ont remué mon petit cœur de pierre.

Non, mais sérieusement.

Gifnem29

9 commentaires sur “Blues artistique

  1. Écrire ! Ne serait-ce pas faire l’artiste ? L’art n’est jamais qu’une manière de s’exprimer après tout. Comme vous le faites fort bien ici. Et peut-être ailleurs aussi, vu que l’on ne se connait pas.
    Il y a une pièce de théâtre, dont le titre m’a sauvagement abandonné, qui tourne autour d’une toile moderne totalement blanche. Bel exemple d’art « moderne » ou « foutage de gueule ». Comme la banane accrochée au mur…
    Moi je les mets plutôt dans mon oreille et n’en fais pas tout un plat pour autant. D’ailleurs, un plat à la banane, je vois pas trop, à part flambée au rhum, mais alors c’est plus pour le rhum que pour la banane. Le pire c’est le pain à la banane. J’exècre. Ma finaude épouse me menace de faire un pain à la banane, quand elle voit des bananes depuis trop longtemps dans le panier à fruits. Elle a raison, puisqu’elle n’est jamais obligée d’en faire…
    Je me plais à vous lire. Merci à Ernest à qui je dois ce bonheur.
    Régis

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  2. Dans ton genre tu es un artiste : tu fais rire ! C’est un art qui se perd de plus en plus. Les « comiques » du showbiz sont tellement, mais tellement affligeants !… et des livres drôles il y en a peu. Sur les blogs j’ai trouvé les textes d’Ernest je ne sais plus comment, puis les tiens sans doute via Ernest : l’année 2020 aura eu de bon malgré tout ! Pour la lecture !

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