Je ne sais pas vous, cher lectorat attentif, mais moi, parfois, je me demande.
Naguère, je vous contai, brillamment, mon amour immodéré pour ces lieux enchanteurs, ces endroits merveilleux, les déchetteries. J’avais même envisagé, un temps, de construire une résidence secondaire, voire tertiaire, dans l’une d’entre elles. Avec deux doigts de jugeotte, un ami bricoleur, inutile de se casser la tête à s’offrir les services d’un maître d’œuvre et de toute une tripotée d’artisans hors de prix puisque l’on trouve tout sur place. Matériaux divers, verdure, électro-ménager, et même de la nourriture si votre estomac n’est pas trop exigeant. Ayant reçu une fin de non-recevoir de la part des élus municipaux, je me contente de fréquenter assidument ces paradis de la consommation.
Toutefois, aujourd’hui, le billet que vous lisez avec extase, ne fera pas l’apologie de l’une d’entre elles.
En général, je m’abstiens de citer nommément les lieux qui bénéficient de mon illustre présence, afin d’éviter que des hordes de groupies m’attendent près de la benne à ferraille, mais, cette fois, je me livrerai à une exception.
Je vais vous parler de la déchetterie de Plouescat, accessoirement celle de Cléder (prononcez Clédaire) également.
Il se trouve que les élus de ces deux charmantes cités nord-finistériennes, sont des crétins patentés.
Figurez-vous que, depuis quelques mois, il faut montrer patte blanche avant de pénétrer les lieux dans le but d’y déposer quelques branchages ou le vieux frigo de mémé qui ne fonctionne plus depuis le départ des hommes de la Wehrmacht. Pour se débarrasser de ses saloperies, il faut prouver à un monsieur installé, toute la journée, dans une guérite, que vous êtes effectivement un résident d’une des deux communes.
Plusieurs éléments me titillent les neurones.
Tout d’abord, étant donné que les communes se plaignent, constamment, de la pauvreté de leur budget, il ne me semble pas raisonnable de mobiliser, à plein temps, un employé des services techniques, juste pour vérifier que vous n’êtes pas un terrible activiste ordurier du bled d’à côté.
Ensuite, le blanc-seing. Il faut présenter à la sentinelle un papelard, datant de trois mois au maximum, attestant que vous possédez une résidence sur l’une des deux communes. Or, de nos jours, beaucoup de factures et autres documents administratifs sont dématérialisés. Que je sache, la loi n’impose pas de posséder une imprimante remplie d’encre élaborée à partir de poussière d’or, de poudre de cornes de rhinocéros et de la pupille de vos yeux, vu le prix des cartouches. Un de ces jours, je me pointerai avec une clé USB et exigerai que le préposé lise mon document sur un pc. Propre le pc.
Encore, ces obligations vont, considérablement développer la dépose sauvage, dès lors même que les déchetteries ont été créées pour lutter contre cette pratique barbare.
Enfin, de quoi les municipalités ont-elles peur ? Que les communes voisines prennent d’assaut leur déchetterie pour y déverser des déchets radioactifs, des dépouilles de chevals infectées par le typhus ou des yaourts périmés ? Qu’est-ce que cela peut bien leur foutre que Jean-Claude apporte son vieux grille-pain défectueux qui ne cesse de faire sauter les plombs parce que la déchetterie de Plouescat est plus proche de chez lui que celle de Tréflaouénan, son lieu de résidence ? Le risque est minime, car, justement, chaque commune de l’hexagone possède au moins une église (pour l’instant…), un salon de coiffure et une déchetterie.
Pour finir, car je commence à m’échauffer quelque peu, j’ajouterai que la déchetterie de Plouescat est une grande coquette qui n’accepte pas tout et n’importe quoi dans ses bennes. Par exemple, vous ne pouvez pas y déposer vos vieux pneus. Ni vos extincteurs périmés (celui de chez Mère date de 1970). Z’en veulent pas. Savent pas quoi en faire. Ce n’est pas comme si c’était leur boulot. De plus, concernant les déchets verts, vous ne pouvez venir vider votre charrette qu’une fois par jour, dans la mesure ou vos excédents de gazon ne dépassent pas 4m3. Il faut donc posséder un doctorat de mathématiques pour tondre sa pelouse, à Plouescat nord-Finistère. Et comment font-ils, ces zozos, pour vérifier tout cela. Je suppose que des ex-agents de la Stasi ont trouvé à se loger dans le coin.
On va finir par devoir les bouffer, nos déchets.
Non, mais sérieusement.
© Gifnem29 – mai 2024