Conte animalier

Connaissez-vous l’histoire de la forêt en feu, cher lectorat attentif ?

Non ! Quelle chance vous avez !

Installez-vous dans votre fauteuil favori, activez la fonction « lecture orale » (ou un truc dans le genre, ne m’en demandez pas plus), versez-vous un Gini bien frais, allumez votre pipe en bruyère et détendez-vous, je m’en vais vous la conter.

Il y a fort fort longtemps, bien avant l’invasion humaine, dans une immense forêt, un lion somnolait au sommet d’une colline (oui, à l’époque il y avait des lions dans les forêts). Jean-Claude le lion savourait ce rare moment de solitude, avant d’aller rejoindre bobonne et les chiards pour le repas du soir, en fumant un oinj. Il se pourléchait les babines car il savait qu’il restait du ragoût d’antilope aux carottes, et Jean-Claude adorait les carottes. Alors qu’il esquissait quelques mouvements de gymnastique pour se dégourdir les pattes, le regard perçant de Jean-Claude fut attiré par quelque chose d’inhabituel. A l’horizon, un panache de fumée noire s’élevait vers le ciel. En un instant, Jean-Claude comprit le danger qui se profilait. Le feu était la terreur des habitants de la forêt. Ils n’étaient pas encore parvenus à mettre en place une caserne de pompiers efficace. Les éléphants avaient proposé leurs services mais ces lourdauds exigeaient de pouvoir se syndiquer. Jean-Claude se précipita à la maison. Bien que son épouse et ses lionceaux (onze ou douze ?) lui cassassent les coussinets, il ne pouvait les laisser rôtir dans les flammes. Tout essoufflé, la crinière en bataille et les yeux exorbités, Jean-Claude apostropha madame en ces termes.

— Groaaaarrr.

(pour plus de facilité linguistique, l’auteur prend la liberté de traduire les propos des protagonistes ; en vous remerciant)

— Fais les valises chérie, la forêt est en feu, il faut fuir. Je vais prévenir les voisins.

— Bordel de crotte de springbok, on venait juste de repeindre la chambre des gosses ! Mais tu te soucies des voisins toi maintenant ?

— Non, mais je réfléchis. Si tout le monde meurt carbonisé, nous bénéficierons certes d’un chouette barbecue, mais l’hiver prochain nous crèverons la dalle. Il faut que chaque espèce puisse se reproduire et ainsi préserver le monde animal, et notre garde-manger par la même occasion.

— Pas con.

— Donc je vais diriger tout le monde vers le fleuve. Une fois traversé celui-ci, tout le monde sera à l’abri. Et comme je suis le seul à posséder un bateau, je vais me faire des couilles en or.

— Pas con.

(Gisèle la lionne n’avait pas beaucoup de conversation)

— Mais je ne pourrai pas sauver tout le monde dans mon clipper, le feu progresse trop vite. Comment faire ?

— Te fais pas chier, tu sauves que les rois et reines de chaque espèce. Ca tombe bien, ils habitent tous le quartier. De toutes façons les autres sont des crevards qui ne possèdent pas le moindre sou vaillant. Un couple par espèce et hop le tour est joué. Comme tous ces cons passent leur temps à niquer, bientôt la forêt grouillera de petits zèbres, de petits zébus et de petits gnous bien tendres. En plus je suis fan de la nourriture royale.

— Moi aussi. Avec des carottes.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Bientôt, chaque couple royal s’agglutine sur la rive du fleuve avec son petit balluchon. Jean-Claude se hisse sur une souche et se lance dans un discours écrit par Kevin le petit dernier qui prépare l’école normale.

— Mes chers amis. Nos cœurs saignent car nous devons abandonner nos peuples à une mort horrible et injuste. Toutefois notre devoir est de penser à la survie de nos espèces. C’est pourquoi j’ai décidé de mettre mon bateau à votre disposition contre une modeste rétribution. Des boissons fraîches vous serons servies à bord, mais il vous est demandé, par sécurité, de ne pas fumer. Veuillez prépare votre argent avant de monter sur le pont. Nous n’acceptons ni les chèques ni les cartes de crédit.

Chacun paye son écot avant d’embarquer. La traversée se passe sans encombres bien que les premières flammes commençassent à lécher la berge délaissée (vous noterez, cher lectorat attentif, la subtilité du récit qui utilise l’élément liquide, symbole littéraire du passage de la vie à la mort ou lycée de Versailles ; j’aime vous apprendre des trucs ; ne me remerciez pas). Parvenues de l’autre côté, toutes les familles royales s’égayent pour acquérir les meilleurs terrains. Alors que le roi des ânes s’apprête à galoper vers une verte prairie, Jean-Claude lui pose la patte sur l’épaule.

— Toi, cher Cadichon 12, tu dois payer aussi pour débarquer, sinon je te bouffe les oreilles.

— Mais pourquoi moi et pas les autres ! s’écrit Cadichon outré.

— Parce que Cyrano de Bergerac.

Non, mais sérieusement.

Gifnem29

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s